Michel GODEAU

Photographe

Né en 1954, à Marengo, Algérie

Vit et travaille en Corrèze 

www.michel-godeau-photographies.com

Photographies en collections privées, institutions, fonds photographiques


Biographie

“ Enfance Algéroise tôt marquée par le désastre de la guerre et tout autant par la puissance de la lumière et du paysage. En France, j'enseigne une trentaine d'années en milieu rural puis auprès de publics en difficulté scolaire, enfants en souffrance, détenus en maison d'arrêt. La pédagogie de l'image s'est diffusée auprès d'eux. Ces contributions ont trouvé leur prolongement par la mise en place d'expositions hors cadre, en milieu carcéral ou institutions scolaires.

Dans l'intimité de son atelier le peintre Michel Moy m'enseigne sens de l'image, forme, lumière. Photographier devient pour moi le moyen d'habiter le monde poétiquement. Altérité, fusion homme-paysage, corps-monde, perméabilité entre l'humain et la nature, les vivants et les morts, l'humain et l'infra-humain sont l'objet des travaux. Ils se déclinent en images silencieuses, séries ou récits photographiques. Des liens se tissent entre écriture et photographie, composant des livres d'artiste. La méthode est mixte, argentique et numérique, dans le respect des fondamentaux de la photographie. Depuis une dizaine d'années je vis en Corrèze, sur les bords du Plateau de Millevaches, Monte Vacua, où j'ai mon nouvel atelier. ”


Terre lointaine  soies glissées. sables et pigments



“Aux premiers jours de la pandémie, la sidération, le sentiment de précarité, du danger surgissant, mais aussi - paradoxalement - l'allégresse du paysage retrouvé, les chants, la rumeur du vent sur les forêts, les cris des bêtes sauvages dans la nuit sur un territoire libéré des présences humaines, tout s'augmentait d'une conscience du transitoire, de l'équilibre fragile du vivant. Ce monde flottant j'en connaissais les formes artistiques, de Hokusaï à Van Gogh ou Monet, leur traduction de l'universelle sensation de la beauté passante qui dépose en nous une goutte de conscience profonde et nous relie. Ce que les artistes de la période d'Edo dans le Japon médiéval nomment l'Ukyio-e.

Nourri des signes des passeurs, messagers, poètes errants, lettrés et hommes du commun - disons de Rimbaud à Hoküsaï - j'extrais les signes infimes, parcelles d'espace-temps où quelque chose, quelqu'un passe, s'attarde dans l'image et disparaît, fragile éclat de beauté, mélancolique passager du temps humain. Ces moments sont habités, imprégnés de présences, à l'image des kami, esprits de la nature dont le principe de vie se manifeste en toute chose animée ou inanimée.

Pour Openfield 4, j'ai choisi d'extraire de l'ensemble photographique Un monde flottant :

                  • Une installation, sous la forme d'un triptyque auquel font écho 32 petits bols de céramique – création de Thaïs N. céramiste - déposés au sol.

        • Deux reliquaires, l'un en diptyque, l'autre solitaire dans son drapé. L’image photographique, ici, comme seuil, passage du monde profane au sacré, en mémoire des êtres de l'autre monde. Une porte en somme, à l'image de ce qu'est le torii dans la tradition du Shintô, la porte qui sépare notre monde de l’espace sacré des kami.

        • Une série de photographies noires et blanches extraites d'Aeria. Aeria étant l'espace entre terre et ciel, pesanteur et légèreté, contingence et détachement.

        • Un déroulé d'images sur écran complète l’exposition.”



    Aeria, série.



Expositions

2021     Un monde flottant, Centre Européen d'Art et d'Histoire. septembre 12320 Conques

2019     E.Terra et Paysages pour la paume de la main, galerie de l'Office 12210 Laguiole

             Le lieu des signes, salons Gilles Moreau. Avril, mai, juin 12210 Laguiole

2018     Terre.Lumière avec Thaïs N., atelier-galerie Sylvia Rhud. rue Fontaine 75009 Paris

2018     Terre.Lumière avec Thaïs N., galerie Saint-André, 19370 Chamberet

2017     Passager dans un paysage, atelier-galerie Sylvia Rhud. rue Fontaine 75009 Paris

2017     In camera, collectif Noor, Espace “Au fil du temps” 19140 Uzerche

2016     Kakémonos, petites natures, grands paysages, galerie de la Cimaise 85210 Saint-Juire

2011     Sans objet, avec Thaïs N.céramiste. Château de Saint-Jean de Beauregard 91

2010     Notes entendues à l'ombre des feuilles, galerie Aktinos 29000 Quimper

2009     Courts métrages photographiques, collectif Ouranos, Maison d'arrêt, 85000 la Roche sur Yon

2007-08  L'autre, ma différence, Lacanau, Musée de Soulac, Monflanquin, Andernos, galerie du jardin de verre Cholet

2005-06  Autoportrait, Lacanau, Musée de Soulac, galerie du jardin de Verre, Cholet

2004      Guetteurs, Espace Culturel Sud-Loire. Coiffard libraire-éditeur partenaire de l'exposition 44000 Nantes

2002      Offering, collectif Arrière-boutique, Université de Nantes 44000 

              La chambre d'écriture et l'atelier du peintre, autour du peintre Michel Moy. 17 Burie

1998-01  Travaux au sein du collectif C.R.I

                Présidence des chroniques de l'image 85 Luçon 

                interventions en milieu scolaire "écrire sur les images" 85000 La Roche sur Yon / Sainte-Hermine

                L'île-d'Elleexposition collective.  

                L'eau, la terre, le feu et l'air en Limousin. Chamberet 19370

                Les traversées / Paysages entropiques. 85 La Bernardière

1995-98     Petites chambres de lumière     galerie de la Dragonne 85 Saint-Juire.

                                                                     galerie Chevolleau 85 Pouzauges. 85 

                  Abbaye de la Grainetière. galerie de la Garenne-Valentin, 44 Clisson.

                  Mois de la photo, 85 Luçon.

                  Maison d'arrêt, 85 Fontenay-le-Comte




Livres

Notes entendues à l'ombre des feuilles

La Pierre d'Angle éditeur / préface Jean-Pierre Sautreau

Paysages.Intérieurs livre d'artiste

Hondô, une forêt de signes. Leporello, livre d'artiste

Ryûko, l'éphémère. Leporello, livre d'artiste

Jour, nuit. Leporello, livre d'artiste

catalogues d'exposition

L'autre, ma différence A.C.L Lacanau 2007

Autoportrait A.C.L Lacanau 2010




Texte de Jean Leplant, photographe, à propos du livre "Notes entendues à l'ombre des feuilles"

Sur la lande, à l’heure où blanchit l’eau du cours, une ombre souple et parfumée…
… Viens plus près, ma douce… Tu sais qu’il est des contes que l’on chuchote, et des mots que je veux dire sans me noyer dans tes yeux… Viens plus près, ma douce, si près, qu’en susurrant je pourrai t’imaginer toute entière… Ma bouche dans tes cheveux, mon âme dans ton odeur sucrée…

C’est comme ça, mon pote : quand tu ouvres Notes entendues à l’ombre des feuilles, Godeau t’enveloppe de ses grands bras, et il te raconte tes peurs pour te dire combien tes joies sont grandes. Godeau, il donne dans le cauchemar pour te faire rêver. Il te met au dessus du vide pour te convaincre que tu es plein.


Tu sais, dire de Michel Godeau qu’il est photographe, c’est trop court. Et puis faudrait parler technique, alors , ou au moins « tambouille », recettes, tu vois ? De toute façon, si tu t’engages sur ce chemin, Godeau te coupe l’herbe sous le pied illico : un petit texte de ci, de là, histoire de te faire respirer les neurones entre les photographies. Et tu t’aperçois bien vite qu’il y a des choses dans la vie (dans la mort, aussi) qui sont vachement plus importantes que ta foutue technique.

Godeau, il est poète. Bon, je sais, le mot fait un peu rigoler, en ce moment ; ça sent le décalé. Mais Godeau, il n’est pas poète dans le genre « macramé », si tu vois ce que je veux dire. Non ? Tu ne vois pas ? Alors, je t’explique. Poète, c’est une posture : c’est décider de l’essentiel (de l’essence et des sens, hein ?), et élaborer un langage pour le suggérer. Autrement dit, versifier sur le temps qu’il fait ne fait pas le poète, et faire une jolie photo de maman au bord de la mer non plus. Comprends donc : maman et la météo, c’est important, mais pas autant que la solitude dans l’odeur de terre mouillée après l’averse, pas autant que les yeux gris qui te parlent de la douceur de la peau… Tu piges ? Donc ''Notes entendues à l’ombre des feuilles'' c’est un bouquin de poésie, avec des mots et des photos. Ça vibre, là-dedans, comme la viole de gambe dans une cathédrale, comme un air de Mozart interprété au cor de basset au sommet d’une tour en ruine. Tu pleures et quand ça s’arrête, la joie t’emplit le cœur. Et si tu comprends pas, mon pote, c’est que t’es pas amoureux…
Jean Leplant, photographe, juillet 2012, E.N.S de la Photographie d'Arles



“ On sait beaucoup de l’œil et peu du regard. On sait comment l’impression optique est transmise au cerveau, synthétisée, on comprend même pourquoi, par la voie de complémentarités, de nuances, la couleur se fait agrément si ce n’est même beauté, mais comment expliquer de quelle façon notre regard traverse la couleur, la forme, pour appréhender dans la chose ce qui fait qu’étant cela elle est aussi, et d’abord, ce qui est là, devant nous; ce qui fait que dans l’apparence peut se lever la présence? Pourtant c’est bien ce qui a lieu, quelquefois. À la pensée qui analyse, mais de ce fait même se perd dans la réalité de matière, indéfiniment fragmentable, s’est substitué alors l’acte de sympathie qui fait que le monde à nouveau respire, et nous en lui.” 
 
Yves Bonnefoy, Alexander Hollan, trente années de réflexion 1985-2015





"Les territoires imprenables", texte de Jean-Pierre Sautreau, sur les images de Michel Godeau dans "Notes entendues à l'ombre des feuilles".

Très vite on perçoit qu'on n'est pas dans l'arrachement photographique mais dans le surgissement, qu'on n'est pas dans l'assise d'un univers objectivé ni dans le reportage intime, bien qu'une unité de sablier recouvre l'ensemble. On est dans le tamis de nos frottements cosmiques, dans les constellations de nos fragments moissonnés dans une errance éblouie, dans le sel argenté des lampes. Michel Godeau délaisse la réalité pour la vérité du tremblement, la fulguration de l'amour. Il ne grave pas l'instant il le trempe dans ses ciels rêveurs. Il l'efface dans ses mélancolies amoureuses.

Il ne photographie pas, il fixe ses apparitions. Ses beautés contemplées dans l'étain de la mort et captées dans la flamme des reflets. Il soustrait de ses soliloques nocturnes des voyances, des fables tintées de neige. Ses haillons de noirs, ses blessures d'ivoire sont les harmoniques d'un œil désespéré au milieu des cendres. Un œil convoqué par la splendeur et brûlant de crépuscule. Alors ses mises en feu concentrent les scintillations poétiques dont l'intensité résonne loin et longtemps en nous. Des présences diffuses, joueuses ou enténébrées toujours méditatives qui nous plongent dans un silence habité et harmonieux.

Michel Godeau coupe la vitre du visible où se cogne l'oeil commun emprisonné, empoisonné. L'oeil mendiant sa reconnaissance à la fièvre de l'écran. Perçant le jour traversant sa fenêtre, allant dans l'allongement de ses lumières, dans ses écroulements il laisse l'imaginaire venir à son émerveillement. Il laisse la terre affluer à sa chair. Il laisse la joie le consumer, la tristesse l'emporter. Il laisse naître dans ses images tout cet embrasement face à la sollicitation mystérieuse du monde. Images puisées qui viennent rider l'onde, aux bords effrangés d'ombre, de leurs éclats de diamant.

Formatés à l'objectivité d'une photo absorbant la réalité, voilà nos signes arrasés, voilà nos côtoiements métamorphosés. Nous voilà enlevés vers l'inconnu. Prairie à fleurissement de robe, visage à froissement de blés, feuillage à bruissement d'épaule, nudité à frissonnement d'écume, nous voilà dans la fragilité des apparences, dans la magnificence des sentiments. Main repliée, main esseulée, main légère, main nouée, main désirante, main consolante, nous voilà au cœur de ses chambres noires, au fond de ses chambres claires. Curieux d'entrer dans le labyrinthe de ses miroirs, heureux de nous perdre dans la forêt de ses contes, de nous fondre dans un espace-temps erratique et dérobé par la beauté.

La conscience du temps est au centre de la photographie. Il bat dans l'album familial comme il bascule dans l'instantané du reportage ou rêve dans l'image artistique. Le négatif fige le fragment du passage de l'oeil, comme une sorte de point sismographique d'une vie dans l'objectif. Alors devant ces relevés inexorablement précaires du cheminement terrestre, certains parlent d'art mélancolique. D'autres observant l'intangibilité de l'image photographique dans l'espace du regard, d'art spectral. L'image glacée dans un temps mort mais transcendée par sa densité suggestive baigne dans un halo éternel. Comme momifiée. L'art photographique serait alors un art de l'effondrement, du deuil et un art de l'embaumement.

Chez Michel Godeau la photo cristallise des harmonies d'encre percées et avivées de déchirures lumineuses. Des coups de silex portés à la fluence du temps, au ravissement de l'espace; bien avant le déclic on sent l'oeil dans l'angoisse et l'éblouissement, cherchant consolation dans la seule transmutation. Cette alchimie de la combustion du regard et de la calcination du cœur qui donne matière inaltérable à sa photo. Alors la beauté graineuse qui infuse chaque photo nous serre la gorge. Chaque image transparaît dessérrée de l'opacité de la nuit. Par nombre de gués flottants, sortant de ses arborescences fantomales, nous vient le voyageur bouleversé par ses rencontres, le photographe revenant de ses territoires imprenables, avec ses suaires amoureux, ses autoportraits incandescents. Apparitions, disparitions? On est dans la transfiguration, dans les flamboiements de la main ocrant la paroi de la caverne. Michel Godeau laisse son mystère sortir du boîtier noir.
Il dit que l'acte photographique lui échappe, lui échappe et le guide. Pertinence de l'artiste. Michel Godeau utilise ce médium non pour posséder mais pour brûler. Il ne photographie pas mais laisse s'aimanter ces visions silencieuses entendues à l'ombre des feuilles. Ces précipités qui l'embrasent. L'oeil provoque le court-circuit créateur d'où jaillissent les signes, écrit Bernard Noël. Dans sa vision organique du monde, le photographe se laisse agripper par les ombres, les matières, le passage de la lumière. Et parfois dit-il: par le soupirail la beauté entre dans la maison de paille où l'on s'aime, où l'on meurt. Les images sont alors les signes par lesquels on entre dans la maison de l'autre par les lumières.

L'acte photographique le guide parce qu'il ne photographie pas ce qu'il voit mais dans l'esprit d'Alexander Hollan ce qu'il est qu'il voit. Qu'attend-on de l'artiste sinon cette nécessité intérieure de l'acte révélateur? Passant la réalité par sa chair et la projetant dans son langage plastique. Qu'attend-on de l'artiste sinon qu'il pousse sa sensibilité à tuer l'ectoplasme de la réalité pour imposer les images de son réel.

Ces royaumes sous les poings rayonnant de photons, ces royaumes sous les paupières embrassant d'étoiles l'être nu dans sa nuit.

Jean-Pierre Sautreau, écrivain, poète, né en 1949 à Luçon où il vit






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