16 octobre 2022

            Première partie réussie pour les 5 ans de C.A.C.T.U.S

   


Ouf, la première partie des 5 ans de C.AC.T.U.S s'est plutôt bien déroulée avec un public de passionnés qui a répondu à l'invitation. Les interventions étaient d'une qualité rare et ont aidé à mieux comprendre le travail de l'artiste dans toute sa complexité. 

Dans un premier temps, Nicolas Fédorenko a montré à travers son travail, le peintre qui expose, en l'occurence au centre d'art de Kerguéhennec, puis dans un deuxième temps, l'artiste qui répond à des appels de projet pour la société, et ici, il s'agit de mobiliers urbains pour Nantes et Angers. Une autre facette de l'artiste. Un troisième film le montre avec l'équipe C.A.C.T.U.S en plein montage d'une exposition dans un jardin en 2019. Le peintre, le designer, le sculpteur, les trois visages d'un artiste complet. 


                                           Nicolas Fedorenko répondait aux questions du public

Un exemple de mobilier urbain réalisé par Nicolas Fedorenko


Exposition dans un jardin pour C.A.C.T.U.S 


Après Nicolas Fedorenko, le public a eu le droit à un voyage magnifique avec le film de In Situ, Fanch Dodeur et Barth Péron, Film monté à partir de leur tour du monde ( 18 905 km) effectué entre 2012 et 2015, en vélo. Ils en ont rapporté des tonnes d'images (30 h de rushs) qu'ils ont remonté avec Erwan Babin et Eric Thomas pour nous livrer un film étonnant, sans commentaires. 
Tout démarre dans des paysages de carte postale où l'humain est totalement absent (sauf celui qui filme !). C'est beau, lénifiant, avec un son venu d'une autre planète, sans mélodies, métallique presque. Désert, mer, forêt, cascades, fleuves...Petit à petit, la nature se laisse pénétrer par l'animal, infime d'abord, puis plus présent, mais doucement, par glissement. Puis l'humain arrive, le touriste. Il le marque à la boue sur son bras, c'est l'un de nos artistes. Comme s'il se sentait en trop déjà dans ce paysage qui n'a pas besoin de lui. Puis s'enclenche alors brutalement presque, la vie humaine sous toutes ses formes, polluantes le plus souvent. Les derricks se dressent dans le désert immaculé, sur l'océan. Les déchets s'accumulent un peu partout, de l'Afrique à l'Asie, en passant par l'Amérique, l'Europe, tout y passe, sans ordre précis. Et pourtant, on reconnait tout, ces villes titanesques ici, ses habitats dégradés surmontés d'antennes paraboliques, le bruit incessant de la circulation, même la mer soudain se déchaîne comme si elle se révoltait devant cette folie furieuse des humains, ces cargos ou ces pétroliers qui la sillonnent, la chevauchent impunément. Cette vision est à la fois désespérante et envoutante, l'heure de projection passe étrangement vite et nous laisse orphelin. Et après, que devient le monde ? La suite au prochain voyage peut-être. La musique, les gens qui dansent, heureux, quelque soit le pays où ils sont, apporte une note de légèreté bienvenue. 



Dans la rencontre qui a suivi entre les artistes et le public, les avis divergeaient sur la façon de recevoir ces images. Pour Nicolas Fedorenko, c'est un "Film Célinien" ça veut tout dire ! un film noir, quelque chose de fatal. Ce que confirmaient les voyageurs " C'est notre regard sur le monde, nous avons eu une grosse désillusion par rapport à notre projet de voyage. Ce périple a déconstruit nos fantasmes, nous sommes revenus épuisés". Il a fallu quatre ans pour qu'ils se réappropriont ces rushs avec Erwan Babin et Eric Thomas qui, eux, n'avaient pas vécu cette aventure. D'autres dans le public, voyaient ce film plutôt comme un état des lieux, mais sans dramatiser le résultat. 


L'après-mdi de samedi, place aux conférenciers.

Elise Girardot d'abord. Toute jeune femme qui, au sortir de ses études, a constaté le peu d'accompagnement qu'il y avait pour les artistes dans sa région, la Nouvelle Aquitaine. Et ce, malgré la présence d'outils remarquables comme le C.A.P.C de Bordeaux, le F.R.A.C, etc...Elle a donc monté en 2018, une association, seule au départ, depuis rejointe par d'autres personnes. Il s'agissait de remplir ce vide entre l'institution, les lieux d'exposition et la création. Le mot Föhn, un vent sec et chaud qui prend ici une forme poétique mais aussi très parlante, de circulation des idées, des projets...Elise Girardot organise une premier manifestation "Auloffée" qui se déroule dans trois villes (Bordeaux, Pessac et le Cap Ferret), sur 8 lieux pas forcément habitués à recevoir des expositions,  avec une trentaine d'artistes, sur le thème de la Dune, mais dans un sens très large, laissant aux artistes une liberté totale pour s'approprier cette idée. Les artistes en question étaient issus de plusieurs générations, et certaines oeuvres venaient également de collections déjà existantes (peinture de Cueco). Peintures, pièces sonores, sculptures, installations, tout y était pour une belle déambulation sur le territoire. " Le but était d'opérer un brassage générationnel lié à la Nouvelle Aquitaine, mais pas seulement, de dialoguer avec d'autres, de provoquer des rencontres". Depuis, elle a organisé plusieurs expositions collectives ou des expositions personnelles ( Nicolas Daubanes). Elle organise aussi des ouvertures d'ateliers en lien avec une exposition, des performances qui mettent directement en contact, l'artiste en création et le public. Elle revendique son travail de commissaire pour des expositions nomades, une façon de toucher un public plus large et également l'importance d'être présente pour les jeunes artistes qui sortent des écoles d'art.  

Une question importante a été posée à la conférencière par Antoine Perrot, la question économique. Question que beaucoup se posaient. Elise Girardot a eu ses premiers soutiens dès 2019 pour sa première exposition collective 'Auloffée", avec la ville de Bordeaux, le département. Ont suivi la D.R.A.C dans une deuxième temps, mais également du mécénat privé pour la production d'oeuvres. " Dans chaque budget, on flèche les artistes pour la production d'oeuvre mais aussi pour les droits de monstration selon une grille tarifaire. Nous fléchons également, le commissaire, moi ou quelqu'un d'autre".

L'association a maintenant une salarié en CDD à temps partiel (30 h par semaine). " Mais nous gardons notre liberté, nous voulons juste que chacun soit payé pour son travail. En dehors des moments où je suis commissaire, je reste complètement bénévole de l'association".



                                                    Elise Girardot pendant sa conférence


Antoine Perrot, artiste et ancien maître de conférence en arts plastiques à Paris 1 (Panthéon-Sorbonne), a pris la suite d'Elise Girardot. Son propos était très différent. Il a parlé de son parcours d'artiste débuté relativement tardivement, vers 32 ans. Artiste autodidacte qui s'est construit au contact d'oeuvres et d'artistes contemporains, en particulier avec Claude Briand-Picard. Il a eu la chance de pouvoir exposer rapidement grâce à la galerie Lahumière qui l'a invité sur son site de la F.I.A.C. " Aujourd'hui, un autodidacte n'aurait plus cette chance, le marché s'est refermé" . Sa pratique s'articule autour de la couleur. Pas seulement celle utilisée par les peintres, mais aussi celles issues d'objets du quotidien. " Je n'avais aucune formation d'école d'art, pas de technique, mais j'ai rencontré le travail de Support-Surface (Viallat, B.M.P.T, etc...)et ça était une révélation, je pouvais travailler avec des moyens simples. J'avais la même euphorie que pour une rencontre amoureuse".

Mais la partie la plus importante de son intervention tournait autour de son engagement pour les artistes avec la création de la fédération des réseaux et associations des artistes plasticiens (FRAAP) en 2001 et dont il fut président de cette date là à 2007. Des rencontres nationales ont eu lieu à la Villette en 2003. La question importante que se posaient les protagonistes étant "Peut-on vivre de son art?". Une série de cartes postales humoristiques mais pas seulement fut éditée à cette occasion. Antoine Perrot préconise la nécessité du réseau qui permet de sortir de son isolement, souvent le sort réservé à l'artiste et de faire tourner les expositions d'une région à l'autre. Il s'offusque aussi du terme "Projet" que l'on attend de l'artiste aujourd'hui pour justifier une aide, une exposition " Pour l'artiste, c'est découper son travail en petits morceaux ! On n'a jamais demandé à Matisse, Franck Stella, d'avoir des projets !!!".

On sent chez l'homme, le révolté, celui qui ne se soumet pas aux injonctions de la société que ce soit pour son travail d'artiste ou pour sa vie d'homosexuel, qu'il revendique " A 17 ans, j'ai du me construire seul en tant que minorité contre les normes familiales et sociales". Un artiste qui se veut toujours libre de ses choix, en sachant que cela amène précarité et exclusion dans tous les lieux où le destin de l'artiste et de son travail se décide. Il fustige la multiplication d'intermédiaires entre le public et l'artiste, rémunérés contrairement aux artistes ; s'interroge sur les choix opérés dans les F.R.A.C ; le non respect des droits d'auteur même si les choses évoluent dans le bon sens. 

Il a laissé le public sonné ! Antoine Perrot sera exposé par C.A.C.T.U.S en 2023.


                                                  Une des cartes postales éditées en 2003.



                                              Antoine Perrot artiste, mais pas seulement !


Une oeuvre d'Antoine Perrot.


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