par Jean Yves PENNEC
Vernissage de Openfield 3 et "Artistes au jardin 3", au Champ des possibles, Kerguinou, ph. Sylvie LE GAC |
OPENFIELD 3
Champ des Possibles KERGUINOU
Bruce GOULD
Bruce Gould a choisi de monter dans la grande salle cinq peintures acryliques , deux grands formats et en contrepoint trois petites pièces. Le travail de peinture de cet artiste qui est aussi céramiste se rattache de façon évidente au grand mouvement de peinture COLORFIELD PAINTING né à new York dans les années 40/50 avec comme figures célèbres des artistes célèbres comme Rothko, Sam Francis Elworth Kelly et bien d’autres encore.
Ce style caractéristique se reconnait par ses aplats de couleurs vives, l’absence de perspective, le développement pictural sur un seul plan, l’exclusion de la figuration.
Cette abstraction de la forme doit conduire le regardeur à une phase méditative. La couleur devient autonome et se place comme le sujet même du tableau. Ces taches de teintes souvent pures qui s’emboîtent , se marient, se disputent l’espace où s’entremêlent n’en sont pas moins une référence explicite à la nature et aux sentiments joyeux qu’inspirent des paysages, ici sans doute ceux de la presqu’ile de Crozon où vit l’artiste.
Bruce Gould par ce choix de peintures répond de manière très forte et pertinente à notre invitation sous l’appellation d’OPENFIELD.
Vincent GOURIOU
Dans la petite salle de la longère , qui avant d’accueillir des œuvres servait de crèche ou l’on élevait les veaux, Vincent GOURIOU a sélectionné dans son travail de photographe portraitiste, un ensemble d’images appartenant à une série qu’il a consacré à des personnages singuliers habitant la campagne bretonne. Un couple d’hommes mariés, bretonnants revenus vers la nature et y travaillant et un éleveur ayant repris la ferme de ses parents. Tous les trois vivant leur choix de différence dans un univers où végétaux et animaux font leur décor quotidien.
Dans ces deux histoires simples, paysannes, Vincent Gouriou nous révèle par son approche fine, douce et sensible de ces personnages, une humanité d’une extrême beauté.
De ces clairs obscurs subtils se dégage une sensualité précieuse, tout à la fois respectueuse et heureuse qui dit bien la force et la profondeur des affections intimes qui relient les êtres vivants, hommes et animaux.
Notez bien l’éclat discret de la couleur et le chemin de la lumière dans cet exceptionnel éloge de l’ombre.
Mael NOZAHIC
Cinq loups en or vous accueillent dès que vous avez franchi le seuil de la grande salle de la galerie. Ils reviennent d’un long séjour éprouvant dans les bois d’Auvergne et leur corps de cellulose de bois et de papier mâché garde encore sur le pelage les marques d’une brillance qui s’est estompée.
Cette meute du dernier chic sort tout droit d’une légende locale qui racontait à la suite d’aventures, le pacte passé entre les hommes et la bête sauvage attestant d’un accord qui définissait pour chacun un territoire respectif.
Le bestiaire fantastique est l’une des constantes de l’univers artistique de Mael Nozahic qu’elle développe surtout par le médium de la peinture.
Dans les cinq aquarelles aux teintes vives qu’elle a choisi d’accrocher sur les murs, se manifeste dans cette galerie de personnages burlesques un échantillon représentatif de la richesse de son vocabulaire c’est-à-dire : un goût certain pour le carnaval, les chimères, les rituels profanes, un sens particulier du sacré, une fascination pour l’étrange, de nombreuses références à l’histoire de la peinture, le recours aux invraisemblances oniriques.
A sa manière bien particulière qui sait se faire l’alliée d’une exubérance et d’un cocasse assumés, elle nous invite au travers d’une relecture de nos cultures à rire, comme le firent Jérome Bosch et James Ensor, malgré les temps incertains que nous traversons et à nous interroger sur notre relation si problématique avec la nature.
Eunji PEIGNARD KIM
Il serait faux de penser que L’homme a disparu des préoccupations d’Eunji PEIGNARD KIM qui a choisi de s’adresser à nous par le dessin. Un dessin d’un réalisme troublant témoignant d’un savoir-faire virtuose qui s’attache la plupart du temps à des sujets qu’elle va chercher dans le règne végétal ou animal.
Dans ses propositions où elle explore l’univers des sciences naturelles ainsi que les outils spécifiques de représentation de ce milieu, elle a par exemple opté ici pour trois caissons lumineux et une version très agrandie d’un fœtus de kangourou qu’elle a pu observer dans un musée de Lausanne .
C’est bien sûr notre positionnement face aux autres règnes qu’elle souhaite interpeler.
« Le sommeil de K » nous touche par sa présence augmentée dûe au changement d’échelle opérée par Eunji qui fait de cet embryon caressé par sa sanguine un être fragile que nous devons protéger ou un alien ennemi à supprimer.
Dans le »cri de l’orme » dessiné à la pierre noire sur papier calque se profile à travers le réseau des branches en étoiles ou le duvet moussu de « l’homme des bois » une déroutante ambiguïté qui nous rappelle qu’il faut interroger nos grilles de lecture séparant irrémédiablement minéraux, végétaux, animaux des humains.
Aleksandra RUSZKIEVICZ
Aleksandra RUSZKIEWICZ a bien observé lors de sa première visite à KERGUINOU la déclivité accusée du sol de la petite salle ainsi que les marques sur le ciment d’anciennes cloisons qui séparaient autrefois les animaux lorsque cette pièce les accueillait.
Elle a aussi beaucoup cherché à en savoir plus sur la vie qui était celle de la ferme et de cet espace en parlant avec Elodie et ses parents, leurs habitants. Et c’est bien là qu’elle a décidé de faire apparaître, on pourrait même dire réapparaître, une trace éphémère du passé.
Dans un geste qui se souvient peut-être du dripping pratiqué par Jackson Pollock, mais cette fois dans une version tendre, apaisée et monochrome elle a chorégraphié sa coulée douce de lait.
Cette inclinaison marquée pour la création in-situ et le goût de la présence infime, fragile est une caractéristique de la démarche d’Aleksandra qui exige du visiteur une mise en éveil de tous ses sens sous peine de manquer le rendez-vous qu’elle lui donne.
Qui remarquera à côté de la coulée et suspendus à une poutre au- dessus de celle-ci , les licols en porcelaine blanche qui rappellent ceux en cuir que l’on nouait à l’aide d’une boucle à la tête des bêtes, pourra poursuivre en silence la rêverie mémorielle à laquelle Aleksandra nous invite.
ARTISTES AU JARDIN 3
Elodie CARIOU chez Karine et Richard PHELEP
Elodie CARIOU pratique la céramique et la gravure. Son rapport à la terre doit s’interpréter dans le double sens du mot puisque son enfance et son quotidien ont pour décor cette ferme de Plogonnec où elle a la gentillesse de nous accueillir.
Le vocabulaire symbolique auquel elle a recours dans ses explorations artistiques est essentiellement et étroitement relié à cet environnement rural et à l’activité agricole qu’elle a si bien connue. Aussi retrouve- t-on dans ses gravures la trace laissée par le passage d’une herse, dans ses terres cuites des tracteurs miniature qu’elle aime faire processionner dans un pré ou encore des pneus qu’elle parvient à rendre aussi précieux que des bijoux.
Dans le jardin de ville qu’elle a choisi pour son installation, elle s’est livrée à un travail d’archéologue dont elle se propose de nous faire découvrir les trouvailles.
Sa remontée imaginaire dans le temps cherche la mémoire du champ que fut ce jardin lorsqu’on y menait encore paître les bêtes. Quoi de plus naturel alors que d’y reconnaître les poteaux qui guident les fils électriques quadrillant l’espace du jardin ? Et dans un coin parmi les herbes le pièces éparses en délicate porcelaine papier d’une machine agricole obsolète, ou encore les empreintes des sabots lourds des vaches dans la boue d’un temps qu’Elodie a suspendu.
John K.MELVIN Chez Bernard CHARTON et chez Marianne CHARRIER
Chez Bernard CHARTON, qu’il a bien connu et à qui il rend hommage, John K.MELVIN s’est pris d’affection pour le très haut chêne qui culmine au fond du parc. Il y a recomposé une oeuvre qu’il a accrochée aux branches de l’arbre et fait jouer de sa présence légère et poétique un ensemble de carillons de bambou qu’il avait montré dans un autre contexte à Sienne en Italie.
Chaque élément fixé à sa corde symbolise un être et un secret qu’il y a confié sous forme d’un dessin ou d’un écrit. Outre sa dimension esthétique toute en grâce, transparence et fluidité, cette œuvre produite lors d’un workshop réalisé avec des handicapés ou des personne âgées ou en précarité possède une dimension fortement humaniste. John souhaite attirer notre attention sur toutes ces êtres humains humbles, invisibles et sensibles que nous cotoyons sans les voir.
C’est avec ce même souci : le questionnement de notre monde contemporain qui fonce à toute allure vers on ne sait quel destin que l’on peut craindre des plus sombres, que l’artiste a collé sur le mur du pignon de la maison de Marianne CHARRIER une affiche reproduisant par tirage numérique une forme noire sur blanc ambigüe, sujette à de multiples interprétations qu’il intitule « Cancer us ». Cette même forme est déclinée en divers matériaux à travers de petites sculptures disséminées dans le jardin.
Yannick PEN’DU chez Maud et Jean Baptiste KRAMP et chez Bernard CHARTON
L’amphithéâtre naturel que compose le jardin pentu et étagé de Maud KRAMP et Jean Baptiste e tout de suite séduit Yannick PEN’DU. Sur quatre branches écorcées disposées chacune sur un niveau du jardin, quatre oiseaux noirs sont sur le point de prendre leur envol ou peut-être de se poser. Au bord de leurs ailes des restes de dentelle finissent de dessiner l’extrémité de leur plumage. Sur chaque branche une bribe de poème est gravée par une coulure d’étain qui sinue sur toute la longueur du bois. Sur la plus haute terrasse du jardin un oiseau se mire dans un bassin circulaire où l’on peut lire le poème dans sa totalité ;
Cette installation est le fruit d’une rencontre fertile de Yannick avec son ami Jean Louis CHABERT DUBOIS. C’est celui-ci qui lui a donné ce texte où l’on peut percevoir les tourments de la migration et les espoirs promis par le départ.
Cette œuvre d’une grande délicatesse poétique s’inscrit dans le droit film du travail de Yannick PEN’DU qu’il soit sculpté ou traduit en peinture sur la toile. Au cœur de ses subtiles compositions l’on retrouve toujours la même préoccupation : le dialogue de l’homme et de la nature, notre manière de vivre dans la compagnie des animaux.
Chez Bernard CHARTON, à l’entrée du jardin, son « Cavalier du temps » vous accueille, ses longs bras d’équilibriste grands ouverts, le corps soudé à sa monture de bronze, vous pénètrerez avec lui dans le plus grand jardin.
Jean Paul THAERON chez Bernard CHARTON et à KERGUINOU
Dès la première visite Jean Paul THAERON a regardé avec envie le splendide espace du parc arboré par Bernard CHARTON . Il y a tout de suite imaginé l’écrin idéal qu’il pouvait offrir à une sculpture monumentale qui commençait à s’assoupir dans son grand atelier depuis son unique présentation l’été 1997 dans un château des Côtes d’Armor.
En bois de contreplaqué recouvert d’une laque jaune à faire pâlir d’envie son soleil du Léon, il a construit sur deux socles accolés une scène de théâtre monochrome où il a emboîté six éléments aux formes très variées qui entretiennent une conversation changeante tandis que vous en faites le tour.
Blason, flèche, vague, aiguille, lune, pince, serpent, marteau, champignon, arc, couronne, huit, crochet, escalier, et tant d’autres mots encore nous viennent à l’esprit pour en parler. Mais finalement rien de vraiment tout cela, seulement les éléments combinés d’un vocabulaire de formes qui habitent notre univers et avec les quelles Jean Paul adore jouer.
Ici, à KERGUINOU trois sculptures parentes de celle exposée à Quimper s’amusent de la lumière changeante et se drapent du reflet des bâtiments qui les encadrent faisant un clin d’œil sympathique et raffiné au peintre qu’est aussi Jean Paul THAERON.
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