Présentation des artistes par Jean-Yves Pennec, le soir du vernissage.
Jean-Yves Pennec lors de sa présentation des artistes, ici avec François Jeune.
François Jeune
D'une série de trente-cinq peintures qu'il titre "sentinelles",nom d'un archipel d'îles protégées au large de l'Inde, François Jeune a choisi d'accrocher quatre grandes aquarelles de format 160x120 aussi dénommé "Double Monde".
De ces grandes pièces verticales qui ouvrent de hautes fenêtres sur les murs, passerelles entre pierres et enduit, il adjoint quatre petits formats qu'il nous invite à regarder comme des poissons pilote de celles-ci.
Cet ensemble de peintures dont l'eau est à la fois la principale matière et le sujet, donne libre cours à ce que le peintre aime appeler : le geste de la couleur.
A L'opposé d'une gestuelle expressionniste, volontariste, il semble que l'artiste affectionne l'abandon à une circulation douce et fluide des outils qu'il s'est choisi : acrylique très diluée, encre et pigments.
Dans ces paysages aquatiques, il peut être question des présences multiples de l'eau autour de nous : mer, fleuve, lac, mare, étang, flaque. Il suffit pour mieux s'y reconnaître de varier les échelles et d'intervertir les points de vue.
Les petits formats peuvent paradoxalement être lus comme de vastes espaces observés à grande distance dans les hauteurs. Ils sont souvent premiers dans le processus de création. A l'opposé, les grandes pièces pourraient être regardées telles des plongées au microscope dans la complexité vivante du liquide.
La peinture de François Jeune est sans doute celle d'un rêveur qui vous entraîne dans ses promenades tout en se gardant bien de vous laisser la liberté d'y choisir vos chemins, de suivre les transparences des larges courbes ou de vous attarder sur le tracé fragile d'îlot en îlot que dessine le fil d'un pastel sec ou d'un crayon de couleur.
C'est à une déambulation ouverte aux itinéraires multiples que cette cartographie imaginaire vous invite. De chaque exploration visuelle que vous y tenterez, vous pourrez profiter des mêmes sensations de bonheur léger que procure un bon bain.
Merci François Jeune d'avoir ici joué l'interprète méticuleux des "voix de l'eau".
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Marion Saupin
C'est par la photographie et la vidéo que Marion Saupin concrétise son engagement professionnel, que ce soit dans les photos culinaires qu'elle réalise ou les reportages soignés sur des artisans d'art dont elle sait magnifier le savoir-faire ou encore dans une production artistique toute personnelle.
Dans la petite salle, elle a opté pour deux séries de huit photographies qu'elle nous propose de découvrir. C'est le portrait qui intéresse Marion Saupin, et la relation particulière qu'elle organise avec ses modèles. A l'occasion de ces séances de pose, elle se fait maquilleuse, accessoiriste, décoratrice, et donc bien sûr menteuse en scène.
Dans la première série "Re-cycle", huit nus féminins posent sur un fond céleste dans la compagnie d'accessoires inattendus, provoquant chez le regarder un sentiment mélangé de séduction et d'étrangeté.
La perfection de la prise de vue en studio contraste fort avec l'univers décalé dans lequel nous introduisent ces objets intrus mais rendus précieux dont se parent les corps. Quels sont-ils ces objets, souvent à usage unique que notre industrie du commerce multiplie à l'excès ?
Des pailles plastiques qui forment une couronne batailleuse sur la chevelure du modèle, lui procurant à la fois force et fragilité, la rapprochant curieusement du registre de l'imagerie religieuse.
Des cuillères jetables dressées en demi-cercle sur le contour de l'oreille, inventant un nouvel accessoire dans la panoplie des bijoux.
Une coiffe de plastique bulle, sous le triangle de laquelle se devine le visage du modèle.
Des bouts de coton qui s'agglomèrent autour d'un cou pour lui fournir un col douillet.
Une grande feuille d'aluminium qui construit un casque argenté anguleux, transposant le modèle qui le porte dans le fantastique d'un monde futuriste.
Un film cellophane qui emprisonne dans sa transparence adhésive le visage et le buste d'une femme.
Enfin, une série de boîte à oeufs fabriquant une prothèse de colonne vertébrale, extension d'un corps qui rappelle son squelette.
Ne faut-il pas voir dans cet ironique défilé de mode investi par des mutants à la beauté trouble, la dénonciation d'une société prise d'emballement dans son culte consumériste qui semble vouloir sa peau ?
En contrepoint, point de broderie bien entendu, la seconde série de Marion Saupin, qu'elle appelle "Songerie" conjugue photographie et travail à l'aiguille. Cette mixité des moyens parvient à traduire les dessins et destins d'une vie intérieure rêveuse, où passent des vagues, des herbes, la lune, des étoiles, des méduses et des nuages.
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Myriam Martinez
Myriam Martinez, dont le nom traduit clairement les origines géographiques plus au Sud, après un parcours riche en formation artistique et expériences diverses, a trouvé dans la céramique le médium qui lui va, qui satisfait son besoin de contact avec la matière, cette terre que ces mains façonne avant de la soumettre au feu du four. Même si, par ailleurs elle reste très attachée au dessin, à la danse, la musique, la scénographie, ce qui l'amène parfois sur le terrain de la performance et très souvent à présenter ses recherches sous la forme d'installation in-situ.
Dans la petite salle du Champ des possibles à Kerguinou, qu'elle connait pour y avoir déjà exposé à l'invitation d'Elodie Cariou, elle a investi le sol pour y organiser une partie des éléments de son installation modulable NAEVUS.
Le Naevus est un terme qui désigne un regroupement de cellules pigmentaires de la peau, plus connu sou le nom de grain de beauté ; il peut être aussi le symptôme d'une maladie de l'épiderme. La genèse de l'oeuvre Naevus est une belle histoire, qui nous dit beaucoup du processus de création chez cette artiste. Elle a été réalisée lors d'une résidence au Musée de la briqueterie de Langueux dans les Côtes d'armoriales. Cette institution en front de mer face à la baie d'Hillion, tristement célèbre pour la prolifération des ses algues vertes.
Durant ces deux à trois mois d'hiver tempétueux passés dans le lieu, la lecture d'un livre a fortement marqué le cours de ses pensées : il s'agit du recueil de nouvelles de William Hope Hodgson intitulé La chose dans les algues. Dans ce récit terrifiant, l'auteur raconte le désarroi des marins en perdition, assujettis à la puissance hostile de la mer, s'emparant de leurs corps et de leurs esprits hallucinés, les métamorphosant à son gré.
Ce conte fantastique oriente Myriam Martinez vers l'univers sub-aquatique originel, l'obscurité mystérieuse des abysses. Elle imagine une scène des profondeurs où viennent s'amonceler de multiples éléments le plus souvent hybrides entremêlant règnes humain et animal, végétal et minéral.
La découverte dans un futur hypothétique de cet ensemble de pièces constituerait en quelque sorte une archéologie du vivant.
Myriam Martinez décrit cette période de résidence comme un moment d'extrême concentration et de lâcher prise caractérisé par une fertilité créatrice intense. De longues journées de production s'enchainent, donnant naissance à une multitude de céramiques en grès noir la plupart du temps creusées d'alvéoles régulières émaillées, reposant sur un sable noir parsemé de brillances. Cette profusion de formes insolites se densifie jusqu'à l'envahissement.
Il serait tentant de percevoir dans l'irruption soudaine de cet univers onirique à l'étrange beauté, un écho de l'inquiétude que suscite le désordre actuel de l'anthropocène.
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Lydie Chamaret
Dans l'espace central de la grande salle de la galerie, Lydie Chamaret a imaginé une enfilade joyeuse qui commence à même le sol, passe par le haut socle blanc pour finir sur la paroi murale du fond de la pièce.
Cette installation étagée que lui a suggéré la singularité de la longer devenue galerie, met en scène sept volumes textiles aux couleurs vives presque toute monochromes.
La jeune artiste, dans son parcours, a souhaité compléter sa formation artistique aux beaux-arts de Quimper, par l'enseignement du modélisme couture qui permet d'élaborer un vêtement en trois dimensions. Pour ses réalisations qu'elle intitule "Mes Plats Déployés", elle a recours aux techniques qui permettent de passer de l'à plat du morceau de tissu au volume qui se bâti par un lent travail de couture qu'elle laisse apparent.
Lydie Chamaret sait depuis la plus lointaine enfance, la magie potentielle que peut révéler le travail d'une étoffe, le possible surgissement des trois dimensions structurées à parti de cette matière souple.
Ce savoir faire que l'on a souvent réservé aux femmes dans le cadre d'une activité domestique, elle en a fait l'outil personnel de sa vie d'artiste. Les sculptures qu'elle invente mêlent intuition du dessin et temps patient d'assemblage àl 'aide des geste maintes fois répétés de l'artisan. Elles s'épanouissent dans de spectaculaires déploiements où les vides se jouent des pleins comme dans les alvéoles des fraises, ces cols de lingerie blanche que l'on reconnait sur les portraits peints de la fin du XVI et du début du XVIIème siècle.
Nous frappe le caractère puissamment vivant de ces structures agiles qui peuvent rappeler les contours de corps animaliers et faire naître un bestiaire imaginaire.
Un dindon bleu et son éventail, une chenille verte, une larve à motif, un coquillage anis, un hippocampe indigo. La plupart de ces accordéons en jersey ou en drap de laine haute-couture possède la vertu des transformistes : ils peuvent en effet prendre une toute autre allure en fonction de leurs points d'accroche.
Lydie Chamaret, par un savant travail parvient à faire renaître en nous la joie simple des guirlandes de la fête, et l'émerveillement que suscite chaque fois l'éclosion d'une fleur.
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Hervé Penhoat
Hervé Penhoat a l'humeur et l'image voyageuse. La Bretagne bien sûr où sont ses origines, mais aussi l'Ecosse, le Japon, la Corée, Bruxelles et Paris. Mais c'est bien l'image qui l'intéresse, qu'elle soit fixe ou en mouvement comme dans les nombreuses vidéos qu'il réalise. C'est aussi un artiste que le son captive, même si ici, il n'en est pas question.
Pour cette exposition collective, Hervé Penhoat nous fait cadeau d'une primeur. En effet, neuf des dix oeuvres du même format qu'il a accrochées dans la grande salle sont proposées pour la première fois.
A première vue, il s'agit de neuf photographies en noir et blanc où figurent des paysages urbains, de campagne ou de bord de mer. La présence humaine s'y manifeste avec discrétion.
Ces clichés rapportés de séjours en Asie, au Japon ou en Corée, si l'on s'en approche et prête bien attention, intriguent. En effet, on y décèle un léger relief qui dans certaines zones de l'image, soit par le creux, soit par le surplus de la matière, ajoute une nouvelle dimension, une épaisseur à la photographie.
Quel est donc le processus qui aboutit à un résultat aussi neuf, aussi troublant ?
Plusieurs étapes le jalonnent. Au départ, une sélection de photos argentiques qui seront imprimées sur dibond. Le dibond est une plaque composite de trois fines couches : deux parements en aluminium et un noyau en polyéthylène léger. Sur un transparent, certaines lignes de l'image seront reprises au dessin par la main d'Hervé. Puis, se succèdent de nombreux passages où une machinerie contemporaine des plus pointues procède suivant les consignes de l'artiste, soit à une légère soustraction de matière à l'aide d'une minuscule foreuse, ou à un apport d'impression noires ou blanches.
Hervé Penhoat, fils de son temps et curieux des nouveaux possibles qu'autorisent les technologies numériques de l'époque parvient ainsi à redonner une vive et subtile sensualité à ces images dont le secret du recouvrement prolonge à sa manière la pratique évolutive des graveurs et des peintres tout au long des siècles.
La dixième pièce qu'il nous offre présente un grand format sur le mur de pierre. Il nous transporte sur l'ile de Skye en Ecosse et confie à l'impression blanche, la délicate tâche d'une précieuse apparition.
Jean-Yves Pennec 14 octobre 2023.
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