Aleksandra Ruszkiewicz a donné des sueurs froides à CACTUS, mais à elle aussi.Ce qu'elle aime, ce qu'elle offre en tant qu'artiste, c'est un travail In Situ qu'elle prend le temps de réaliser, un travail souvent fragile que le spectateur doit appréhender le souffle suspendu, tranquillement. Avant la réalisation, elle s'imprègne du lieu où elle va produire une oeuvre. Avec les contre-temps dus au COVID, son projet s'est modifié, a évolué, s'est enfin précipité, ce qu'elle redoutait. Mais l'idée initiale est là.
Au départ donc, il y a eu la visite du lieu, en hiver, la galerie le Champ des Possibles, à Plogonnec, un ancien bâtiment de ferme " Les stigmates de la stabulation, le sol penché, ont réveillé en moi des souvenirs d'enfance, mon grand-père était aussi agriculteur en Pologne. Je connais ça! Et de plus, en tant que sculpteur, ce sol qui penche, c'est irrésistible. La coulée de lait m'est rapidement venue à l'esprit. J'ai aussi naturellement beaucoup parlé avec les propriétaires du lieu, Elodie Cariou et ses parents, de leur vie à la ferme, leur travail, le lait en poudre que l'on prépare pour les veaux. C'est une sorte de madeleine de Proust pour moi. Mais je n'avais jamais travaillé avec de matériau, le lait ! J'ai aussi imaginé le lien qui domestique l'animal, le licol, que j'ai voulu évoquer en miniature, pas de façon ostentatoire. Je l'ai réalisé en porcelaine papier, une technique que je j'avais jamais utilisée qui donne un rendu sensuel, étonnant".
Mais ce n'est pas tout. Ce projet a été pour l'artiste chevronnée un véritable moment d'apprentissage, de découvertes " Il fallait que je trouve une équivalence pour représenter le lait que je ne voulais pas gaspiller, une matière blanche, liquide, qui ne s'étale pas trop, qui trouve son cheminement sur le sol penché. Mais avec deux jours de travail possibles, c'était court ! Avec la paraffine à laquelle j'ai pensé, difficile de trouver la bonne couleur. J'ai contacté un chimiste qui m'a conseillé et c'est ainsi que j'ai utilisé des granulés de sol qui servent pour faire des bougies. J'y ai ajouté 10 % de vaseline, qui en plus apporte du gras". Un véritable travail de laboratoire, d'expérimentation. On oublie parfois que l'artiste est toujours en recherche de moyens techniques, bassement matériels, pour pouvoir donner corps à une idée, qui elle, n'est que poésie. Oui, le travail d'artiste, c'est 90 % de sueur, de travail physique ou mental, et 10 % d'inspiration ! Mais cette inspiration, cette petite lumière ne le quitte jamais, l'obsède souvent jusqu'au moment où l'oeuvre est là, évidente, accomplie, fragile, presque invisible parfois, comme cette belle coulée de lait sur le ciment torturé de l'étable des veaux.
Aleksandra Ruszkiewicz à droite, explique son travail à Claudine, bénévole de CACTUS.
Au premier plan (ou presque), la coulée de lait qui se dirige vers le licol brisé.
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